S’attaquer au marché du vélo électrique aujourd’hui, c’est être joueur. Choisir l’univers du luxe pour un objet populaire, c’est carrément tenter le niveau Bloodborn. Mais Bloodborn n’est pas français et ça tombe bien, puisque ce vélo Coleen est presque 100 % français, presque…
Nous sommes en 2014. Un duo français décide de se lancer dans la création d’un vélo à assistance électrique, sentant le potentiel du marché. Le mot d’ordre a été le style draisienne. À partir de là, les choses se sont compliquées, ce qui n’a pas empêché le couple de chercher les solutions les plus appropriées à leur idée initiale, avec un projet qui prenait alors le chemin du luxe.
Le luxe est un concept qui place l’émotion au cœur de l’expérience. L’émotion à laquelle s’ajoute généralement de la rareté qui, dans le « pur » luxe est liée à un artisanat. Un travail méticuleux, qualitatif et donc bien plus long qu’en chaîne de production industrielle, qui apporte une attention particulière au détail, à la finition et nécessite un savoir-faire.
C’est un échange : moins de pièces à vendre, mais plus onéreuses. Reste qu’un accessoire de mode est une chose et un vélo en est une autre. Le Coleen est-il exploitable, plaisant et enivrant au point qu’on en ressente plus que le plaisir de pédaler ? Spoiler : oui.
En temps normal, on parle des gammes des pièces utilisées. Ici, ce n’est pas possible. La majorité des pièces étant produites spécialement pour ce vélo.
Le cadre en carbone à la forme très particulière de draisienne intègre une batterie amovible dans ses entrailles, ainsi qu’un éclairage diurne courbé à l’avant.
Le moteur est fait maison, comme la batterie d’ailleurs qui vient de Mérignac.
En définitive, les seules pièces qui ne sont pas produites sur mesure sont le plateau (du Shimano Alfine) et la courroie (composée également de carbone, comme celle du Gogoro Eeyo 1s).
Les freins, les réservoirs de liquide de frein, les jantes, les fixations, les poignées sont en aluminium et viennent de Taïwan et plus précisément de Fratelli Industries qui fournit Spank Industries, chez qui Coleen fait fabriquer ces éléments. Le résultat est là, avec une qualité de finition remarquable et homogène.
Les pneus sont des WTB 47 Horizon (650x47c). C’est le meilleur pneu que j’ai pu utiliser sur un vélo urbain et nous y reviendrons dans la suite du test.
Il n’y a pas de vitesse sur le modèle de test, mais un système de transmission avec pignons (conçu par un ingénieur de Porsche, d’après la marque) capable d’encaisser 60 000 km, et qui est disponible en option.
Enfin, sachez que presque tout est personnalisable : couleur, tige de selle suspendue ou non, rendu de matière des pièces en alu. Une chose inhabituelle qui renforce le côté exclusif de l’objet.
De tous les vélos essayés, c’est celui qui a suscité le plus d’admiration. J’ai été beaucoup interpellé en étant dessus et même en prenant les photos du test avec un « c’est vrai qu’il est beau ».
C’est logique, puisqu’on retrouve tous les ingrédients du néo rétro à savoir : du cuir brun avec inserts métalliques, du métal satiné et chromé, un dessin rétro inspiré d’une forme populaire (pour rappel la draisienne) et des couleurs qui rappellent le passé, d’un ton doux et un poil terne, jusqu’aux pneus à flanc beige.
Une approche que l’on retrouve énormément du côté des motos ces dernières années (BMW R-Nine T, Honda CMX, Ducati 1100 sport Pro) et dans l’automobile depuis la refonte de la coccinelle dans les années 2000 jusqu’à la Renault 5 présentée récemment. Bref ça fonctionne depuis des décennies et dans le cadre d’un vélo luxe (vous l’avez ?), il était évident de retrouver cet aspect « à l’ancienne ».
Une fois sur le vélo, ça fonctionne. Plus clairement : ça fait le job, et même correctement. Ce qui est une jolie performance car le dessin de la draisienne était loin de le garantir. Avoir demandé à un ingénieur de Look de travailler sur la conception a été une judicieuse idée.
La selle en cuir est rigide, et doit donc se faire pour offrir le nirvana à votre fessier. Ainsi, elle sera façonnée selon la forme de votre séant et n’acceptera que vos fesses. La position de conduite est droite, propre à la draisienne qui a servi d’inspiration.
Son cadre en carbone et sa rigidité lui confèrent un bon dynamisme, mais son centre de gravité est assez haut engendrant une inertie surprenante lors des premiers tours de roue.
Terminons cette partie cycle par le poids de la bête : 20 kilos, c’est énorme pour un carbone, mais la batterie à elle seule pèse environ 6 kilos.
L’assistance est réussie. Sans atteindre la douceur d’un Shimano Steps, le moteur maison vous propulse (littéralement, il est situé dans le moyeu de la roue arrière) avec aisance. La fameuse vitesse de transition (entre 24 et 26 km/h) est parfaitement gérée et la désactivation du moteur n’engendre ni résistance, ni effet « ON/OFF ».
On se surprend même à désactiver l’assistance. Un détail toutefois : il y a une latence entre le coup de pédale et la poussée du moteur. Si pour le lancement c’est quasi immédiat, lorsqu’on arrête de pédaler, l’inertie du moteur continue de nous assister un peu en se réduisant progressivement.
Le freinage à disque hydraulique est puissant et progressif. D’ailleurs, les disques comme les étriers ont été conçus de façon artisanale et son ajourés afin de mieux dissiper la chaleur. De quoi arrêter la masse lancée à vive allure dans une distance réduite, ce qui, en ville, n’est pas un luxe.
On se retrouve à rouler façon cruiser sur l’asphalte dont les excellents pneus WTB absorbent les aspérités rendant inutile la présence d’une fourche suspendue. Ces pneus offrent également une bonne adhérence sous la pluie malgré leur aspect de pneu slick. Habitué des Marathon Plus, je crois que je me suis trouvé de nouveaux compagnons de route pour le vélotaf.
Le plus dingue finalement, sous réserve de traiter un minimum le cuir, c’est que ce vélo est paré pour affronter le quotidien, la pluie, le froid, la chaleur. Il serait un parfait vélotaf si son concept de produit luxueux n’en était pas aux antipodes : niveau risque de vol et usure, ça fera mal au cœur et au portefeuille.
Au chapitre des regrets, se trouvent les pédales. Elles sont certes superbes, mais petites et un peu glissantes malgré la présence de picots métalliques. D’ailleurs, on peut les tourner à l’arrêt, moteur allumé ou éteint. Cela évite que la béquille ne soit bloquée, vu qu’elle se trouve sous le plateau.
21/02/2021 01:00 PM
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